DANS L’(((ONDE))) (2008)

Texte

Grâce à ce dispositif de diffusion simultanée, à faible volume, sur de petits postes à transistor qui nous ramènent à des souvenirs de plage ou de camping, lorsque le son de la radio de votre voisin de gauche se mêle à celui de votre voisin de droite, notre attention se trouve engourdie et peut se perdre dans ce «no-man’s land» propice à l’assoupissement et à la rêverie. En fonction de l’endroit où elle est placée, chaque personne entend un mélange unique à un moment unique, ceci peut aider à se souvenir que la musique est autre chose qu’un produit de consommation dont la fonction première est uniquement d’être écouté uniformément par le plus grand nombre.


Étienne Charry, qu’est-ce que c’est qu’un trou d’eau ?

EC : En se retirant à chaque marée basse, la mer laisse un petit peu d’elle même dans les rochers. Ces innombrables trous d’eau sont autant d’univers en réduction. Lorsque la marée remonte, une partie du contenu des ces ilots en négatif se retrouve emportée, brassée, mélangée comme des dés dans un gobelet pour se retrouver, peut-être, à la marée suivante, dans une autre distribution. C’est le thème de la collection de musiques que j’ai composée et que je me propose de vous faire découvrir.
Vous entendrez: Anémone, Bégum, Coquilles, Couché au fond, Sandale, Dialogo, Décortiqués, Flou, Ressac, Profondeurs, Boyau, dans combien de temps, Irisé, Jus d’eau, Nacre, Pince, Planctons, Armée Miroitante, Flux de Sel, Zébré, La Mer est-elle faite de nos Larmes ? FiletElectricité, Tournoyants, Ploums, Arpenteur, Défilé, Bernique, Bouillon Viennois, Où ton Pied se Fixe, Reflet, Valve, Mirobolant, Chapelet, Gobie Bleu, Dans l’onde, Rayon Lunaire, Bercement, Algo, Flaque, Caverneux, Quatre Créatures, Étincelle, Laiteux, Sentinelle, Ombre salée, Doigts de Neptune, Vocoquille, Gobopello, Filament Doré.

Comment avez-vous composé ces musiques ?

EC : L’existence de ces musiques est totalement liée au principe de l’enregistrement, seul moyen en ma possession pour fixer mes idées musicales. Ces musiques ne sont pas conçues pour être jouées, et beaucoup des éléments qui les composent ne peuvent exister que par l’alchimie de l’enregistrement.
On croise donc parfois dans certains des morceaux de la collection, des modules (qui pourraient être des groupes de crevettes ou de bigorneaux) porteurs de leur propre rythme et de leur propre tempo, qui croisent d’autres modules porteurs eux aussi de leur propre rythme et leur propre tempo au milieu d’un même morceau de musique. Les moments où ils se croisent constituent des moments que j’apprécie particulièrement.
Les souffles, bruits blancs, roses et autres parasites, liés à la réalité de l’enregistrement, font pour moi, partie intégrante de ces musiques, je n’ai donc pas cherché à les éliminer.

Quelles sont les règles du jeu de ce dispositif ?

EC : Il suffit de s’installer et de se laisser aller.

Peut-on se procurer les musiques que nous entendons au cours de ces séances ?

EC : On ne peut ni les entendre à la radio, ni les trouver dans les magasins. Si un tel état de choses a pu, par le passé, constituer pour moi un motif de frustration et de déconvenue, c’est aujourd’hui un grand motif de satisfaction pour l’impression de liberté retrouvée qu’il me procure. On peut décider (en tant que particulier ou société) de faire l’acquisition d’une pièce afin de la garder pour soi, de la faire partager (gratuitement ou par une utilisation commerciale) et devenir un relais dans sa diffusion. Chacune de ces musiques possède, outre son titre, un numéro d’œuvre (dans le cas présent, ceux-ci vont de EC1 à EC 50).
Une seconde collection de musiques a vu le jour depuis celle-ci ."Salon cerveau" poursuit et fait évoluer le principe établi par les "trous d'eau" et fait l'objet de nouveaux systèmes de diffusion.