CATALOGUE

Présentation détaillée du projet


UN TABLEAU GÉANT
Catalogue se présente comme un label de musique mais c’est plutôt, en réalité, un tableau dont le format ne cesse de grandir et sur lequel sont posés, plutôt que des touches de peinture, des musiques, des paroles, des visages, des images graphiques fixes, des images animées, des mouvements, des décors, des costumes, des instruments de musique réels ou inventés, des dispositifs scéniques, des stratégies….
Chacun des éléments qui constitue ce tableau est une affirmation avec ses saveurs et ses aspérités qui s’inscrit dans un grand ensemble. La variété des ingrédients qui le compose (éléments visuels et éléments musicaux) lui permet d’exister dans l’espace et dans le temps.

POINT DE DÉPART
Ce projet m'a été en partie inspiré par ces pochettes intérieures de certains 33t, aperçues lorsque j’étais enfant, qui montraient en format timbre-poste toute une sélection de disques d'artistes de la même firme. Ces artistes, pour la plupart inconnus pour moi à l'époque, me fascinaient et stimulaient mon imagination, probablement parce qu’ils étaient le témoignage d’un monde, d’une activité largement partagée mais qui se situait en dehors de mon propre petit univers.  

INVENTER UN LABEL
La motivation qui est la mienne lorsque je compose de la musique ne se limite pas à créer une partition musicale détachée de tout contexte, telle une émanation de pure pensée. La finalité que j’envisage pour cette musique n’est pas non plus de la commercialiser sous la forme d’un enregistrement vendu à l’unité ou d’un « album » qui comportera en moyenne une dizaine de morceaux. Je n’envisage pas non plus de la présenter sous la forme de « concert » selon un protocole scénique et commercial éprouvé et cadré dont le timing aura été prévu pour accompagner la promotion de l’enregistrement.
Je conçois la musique comme un des ingrédients qui composent un plus grand tout. Dans le cas de ce projet Catalogue, ce grand tout prend la forme d’un « label de musique ».
Dans le cas d’un vrai label de musique, le nombre des personnes à l’oeuvre pour faire vivre le label fixera la hauteur des objectifs commerciaux afin que tout le système reste viable. Chacun devra donc oeuvrer dans ce but.
Dans le cas du label Catalogue, le résultat que je vise ne présentant aucune obligation commerciale, me confère une liberté totale mais, comme nous allons le voir plus bas, m’oblige à mettre en oeuvre un certain nombre de compétences.
Dans le cas d’un vrai label de musique, la musique sera un produit auquel on cherchera à apporter un maximum de notoriété afin de lui donner toutes les chances d’atteindre ses objectifs commerciaux. Tous les choix ce communication et les investissements viseront ce même but.
Dans le cas de Catalogue, le label de musique est l’objet d’une création artistique, on y brasse le même matériau qu’au sein d’un véritable label mais dont les ressorts qui l’animent n’ont rien de commun.

FAIRE TOUT SEUL
Il m’est arrivé pour tenter de parler de ce projet en peu de mots, de déclarer de manière fanfaronne que j’ai inventé un label de musique au sein duquel j'occupe les postes de directeur, attaché de presse, graphiste, compositeur, interprète, ingénieur de son, musicien additionnel, coach, roadie, coursier, chauffeur, stagiaire, standardiste, concierge, comptable, cuisinier… Je ne cherche évidemment pas à concurrencer tous les professionnels qui occupent ces postes dans la réalité en prétendant me charger seul de toutes les tâches qu’ils effectuent. Je fais donc le choix de laisser visible mon incompétence ou les limites de ce que je parviens à faire correctement dans des domaines dans lesquels je ne suis pas spécialiste. Il ne s’agit nullement d’un exercice d’auto-flagellation, mais plutôt, de pratiquer ces différentes activités en les plaçant toutes sur le même plan. C’est à dire de les envisager toutes d’une manière « artistique ». Je ne veux pas dire par là, de faire des gribouillis dans les marges d’une fiche technique ou de passer des coups de téléphone en chantant, mais plutôt, comme tout créateur qui oeuvre dans la peinture par exemple, comme un travail solitaire qui révèle sans tricherie la personne qui est derrière l’oeuvre (à la différence d’un travail d’équipe).
Cette façon de faire implique évidemment de devoir assumer certaines faiblesses ; je dois donc accepter de laisser voir mes limites au même titre que les choses qui me permettent de me mettre en valeur et aller au bout de ma création sans camouflage, ce qui contribue à modérer mon ego et peut aider à tenter d’établir un lien transparent et sincère avec l'auditeur, chose à laquelle j’aspire.

CE QUI M’AMÈNE LÀ
Ce projet fait suite à diverses réalisations que j’ai entreprises depuis plusieurs années qui tous tournaient plus ou moins autour de la question de comment faire de la musique aujourd'hui en s'affranchissant des modèles imposés par l'industrie du disque. J'ai ainsi composé des collections de musiques que je proposais comme des pièces uniques, ce qui de fil en aiguille m'a poussé à inventer des systèmes de diffusion, de communication et de commercialisation spécifiques. Les arts visuels m'ont souvent servi de repère pour mener ces explorations. Certains prolongements ont donc, même si il s'agissait essentiellement de musique, pris la forme d'expositions, de séances d'écoute, de performances, de mises en scène faisant intervenir des tiers.
Aujourd'hui, Catalogue synthétise bon nombre de pistes que j'ai pu ouvrir précédemment et constitue un très bon outil pour me permettre de continuer à avancer.

CADRE ÉCONOMIQUE ET CALENDRIER
Catalogue ne fonde pas son modèle économique sur la vente de musique enregistrée; ses objectifs différent donc de ceux de l’industrie musicale, son calendrier, son économie, son mode de représentation sont également différents de ceux d’un label réel.
Ce modèle choisi me permet de m'affranchir totalement d'une quelconque prise en compte d'un marché de la musique dans mes créations et c’est, à mes yeux, un bien des plus précieux.
Il n’est donc pas non plus question d’« albums en préparation », de « sorties d’album », ni même d’»albums de la maturité » ou de « millions d’albums » vendus qui saturent les circuits de promotion des biens culturels versant musique.
Qu’on le veuille ou non, le fait de s’inscrire dans le modèle de diffusion « classique » de la musique définit un cadre et des règles qui conditionnent des choix de communication, des choix artistiques, des choix de marketing, des circuits de promotion. Ce modèle établi a fait ses preuves et concentre de nombreuses énergies convergentes, possède une potentialité pour toucher un large public, ce qui n’est certainement pas négligeable mais on ne peut ignorer qu’il implique de se faire sa place dans un espace limité dans lequel tous ne partent ni avec les mêmes chances, ni avec les mêmes moyens. Une notion de concurrence s’impose fatalement. Si elle n’occupe pas une place centrale dans les préoccupations de la plupart des artistes musiciens, il serait stupide de ne pas la prendre en compte à partir du moment où l’on a décidé de s’inscrire dans ce système ou malhonnête de prétendre l’ignorer. Ce cadre très prisé est comparable aux destinations de villégiature durant les périodes de vacances scolaires. Catalogue fait le choix de plutôt s’inscrire dans les périodes hors-saison.

ARTISTES FICTIFS
Qui dit label de musique, dit « artistes ». Ces artistes n’existant pas, je les invente, ou plutôt, je les laisse éclore au gré de mes errances musicales ou visuelles.
Le principe des artistes fictifs permet une distance. Le musicien, auteur, compositeur et particulièrement s'il est chanteur, doit souvent, contrairement au cinéaste par exemple, incarner physiquement le fruit de sa création (voire faire preuve d’un talent d’interprète ou afficher une certaine palette d’émotions). Je ne souscris pas à cette obligation implicite, pas plus d’ailleurs qu’à celle de restituer de manière balourde sa vie personnelle à travers ses créations.
Le principe d’un label abritant des artistes fictifs permet de créer un espace, comme une réserve animalière dans laquelle divers éléments de folklore local peuvent se développer à l'abri des lois du marché qui ne manquent pas de conditionner la création dès lors qu'on s'expose à sa logique.
La possibilité qui m’est offerte de m’appuyer sur des artistes inventés m’aide à m’affranchir de mes limites ou de l’autocensure que je peux être tenter de m’appliquer. Ainsi, par exemple, alors qu’en tant que moi-même je voudrais d’une manière un peu scolaire, finaliser une musique que je suis en train de composer, tel artiste inventé auquel je la destine me poussera à la laisser à l’état brut et c’est bien sûr lui qui aura raison.
L’espace singulier que me suggérera le rapprochement du nom de tel artiste inventé et de telle musique que je suis en train de composer m’entraîneroa presque malgré moi vers des zones que je n’aurais pas explorées sinon.

IMAGES
Afin de matérialiser ce qui reste malgré tout assez volatile (artiste inventé, titres de morceaux et musique), il faut un ancrage visuel. C’est pourquoi je compose des images qui se veulent à la fois informatives et attractives sur lesquelles figurent le nom de l'artiste, le titre de son morceau, son numéro de Catalogue et que je réalise à la main en n'utilisant que des aplats de couleur et des typos. Comme ces images prennent forme en parallèle des musiques, il peut arriver  jusqu’au dernier moment que j’intervertisse, en fonction de là où me mènent mes avancées, tel nom d’artiste avec tel autre, telle image peinte avec telle autre, tel titre de morceau… telle musique… pour parvenir à un assemblage qui me convient.

COMPOSITION
Cet espace de liberté et de création que permet "l'agencement" d'un nom d'artiste, d'un titre de morceau, d'une musique et d'une image ne pourrait évidemment pas exister dans la vraie vie et s’avère particulièrement réjouissant.
On pourra parfois opter pour un assemblage cohérent ou de bon goût et d'autre fois trouver plus éloquent, plus touchant, plus élégant, plus riche, plus amusant de privilégier un décalage, une supposée incohérence, un goût discutable s'ils nous emmènent vers une émotion particulière ou s'ils ouvrent un espace d'imagination singulier, c'est là, en général, que se loge la poésie. Il n'est d'ailleurs pas rare que j'avance simultanément sur la conception des musiques, des images graphiques et même des noms de plusieurs artistes en parallèle et que je permute certains éléments en cours de route. Il arrive aussi que je modifie une musique pour qu'elle s'associe mieux à un nouveau titre que je viens de trouver ou une nouvelle couleur qui m'enchante.

Chacun de ces éléments qu'ils soient noms d'artistes, titres de morceaux, musiques sont tous imprégnés de références culturelles (certaines communes à tous, certaines propres à chacun), je ne cherche à aucun moment à évoquer une époque, un style ou un genre musical en particulier et surtout pas à être réaliste ou cohérent dans les références, au contraire, je me promène au milieu de tout ce patrimoine en n'écoutant que mes émotions, tout ce que je fais exister là est un reflet de la façon dont la musique et tout son accompagnement visuel ont imprimé mes yeux et mes oreilles depuis que je vois et que j'entends. C'est plus la nature des liens qui relient les différents éléments qui m'intéresse qu'une cohérence pseudo-historique, ces liens peuvent sembler évidents, mystérieux, harmonieux, anachroniques, voire paradoxaux, la nature de ces liens elle-même est pour moi un terrain de jeu où peuvent se glisser la subjectivité, la poésie, la fantaisie et la liberté.

On peut aussi dire que ce jeu de création d'agencement de mots, de musiques et d'images graphiques donne un sens plein au mot "composition", c'est en tout cas ce que je ressens. Pour moi, ce sont  les mêmes leviers qui sont à l'oeuvre qu'il s'agisse de musiques, de mots ou d'images.

LES MUSIQUES DE CATALOGUE
Elles révèlent de manière impressionniste tous les moments de ma vie où j’ai été exposé à la musique. Qu’il s’agisse de musiques que j’ai ardemment souhaité écouter et qui m’ont enchanté, ou bien, qu’il s’agisse de musiques que j’ai, comme ce fut le plus souvent le cas , entendues sans vraiment y prêter attention, elles ont toute joué un rôle qui se reflète d’une manière ou d’une autre dans le répertoire de Catalogue.
Les compositions de Catalogue se nourrissent d'impressions multiples et souvent confuses, je me laisse guider par ces lueurs prometteuses et invariablement vers la musique qui me réjouit, c'est pourquoi, quelque soit leur diversité ces musiques ont toutes en commun de satisfaire mes goûts. Elles ne visent jamais le pastiche, le réalisme ou la reconstitution historique et ne prennent aucunement en compte le marché.

La mise à disposition gratuite d'une somme inimaginable d'objets culturels et de connaissances (livres, documentaires, archives des musées, Wikipedia, Google, Youtube, etc.) dont nous bénéficions aujourd’hui, a un impact indéniable sur l’individu qui aspire à s’exprimer artistiquement ; il peut se sentir inhibé par cet héritage culturel ou tenter de réinventer un monde qui se nourrit de cette matière, c’est ce que je tente de faire avec Catalogue. C’est une voie qui s’impose à moi plus que le fruit d’un constat intellectuel. Cette démarche reflète aussi l’envie de mettre en place un univers au sein duquel des disciplines artistiques autrefois bien séparées se combinent et cohabitent pour créer de nouveaux espaces inédits.

On pourra avoir l’impression que dans la dimension Catalogue, les calendriers ont été découpés et recomposés de manière aléatoire. Certains codes graphiques ou musicaux seront associés de manière insolite. Nous assisterons à des cohabitations parfois hasardeuses, parfois harmonieuses, c’est autant la nature des liens qui les relient que les différents éléments associés eux-mêmes, qui forment l’essence de Catalogue.

L’ENREGISTREMENT
L'enregistrement est une révolution qui a permis à de nombreux musiciens d'ouvrir de nouveaux horizons musicaux sans pour autant maitriser parfaitement leur(s)instrument(s) à un niveau virtuose et d'explorer des voies spécifiques grâce à un mélange d'ignorance, de manque de confiance en soi (lié à une formation non spécifiquement musicale, c'est mon cas ) et d'intuition. Ce précieux outil offre aussi la possibilité de se dédoubler à l'infini et même d’arrêter le temps. Autant d'avantages sans lesquels mon projet n'aurait jamais pu exister.
Les nouveaux outils de création numériques rebattent évidemment les cartes de la création aussi bien pour l’âge que pour la musique. La facilité qu’ils offrent sur certains plans permet aux créateurs d’étendre encore le champ de leurs explorations, ils sont aussi un nouveau défi, car il s’agit, comme c’est le cas lors de chaque avancée technique, de, autant que possible, ne pas se contenter du confort qu’il apportent mais de tenter de se dépasser grâce à eux.

ARTISTES INVENTÉS Dans le domaine de la musique ou de la littérature, le procédé qui consiste à créer un personnage pour prendre un peu de distance par rapport à soi-même et s'ouvrir des horizons plus larges n'est pas nouveau et c'est un peu ce que je fais mais à une échelle inédite. Qu'est-ce qui distingue ces artistes inventés de véritables artistes qu'on peut voir à la télévision ? Il leur manque un corps, un visage, un costume, une gestuelle. J'ai donc entrepris de fournir ces nouveaux attributs à certains des artistes de Catalogue en  suivant le même cheminement que pour les étapes précédentes.
Lors de l'étape qui va consister, comme nous allons le voir plus loin, à doter ces artistes inventés d'une présence, d’un costume, d'une gestuelle ou d'un visage, ce sont encore ces éléments fondateurs de leur identité naissante (nom, titre de morceau, image graphique ) qui vont naturellement déterminer les nouveaux, comme une plante qui se développe, et rendre évidents certains choix ou certaines options.

Cela est particulièrement vrai pour la musique qui va naturellement imposer certains repères temporels, des sonorités qu'on pourra avoir envie de visualiser, elle pourra aussi dicter par exemple le nombre de "musiciens" sur scène et leur attitude. Ces développements qui sembleront naturels, n'excluent en rien des inventions débridées ou des décalages caractérisés, au contraire, mais ils fournissent une trame bienvenue.   

À aucun moment, je ne cherche à convaincre que les artistes inventés de Catalogue existent vraiment, je ne cherche pas à créer d'ambiguïté ni d'interférences avec la vraie vie.
On m’a plusieurs fois demandé : "Pourquoi ne pas inventer une histoire à ces artistes, leur écrire une (fausse) biographie?". Cette suggestion va totalement à l'inverse de mon projet. En effet, la biographie implique d'inscrire l'histoire dans un contexte daté, géographique et culturel, il oblige à une cohérence compliquée ou chaque élément doit s'articuler avec une multitude d'autres et où chaque nouveau mouvement oblige à calculer une infinité de paramètres et ce pour un apport très anecdotique. Tout cela créant un carcan totalement paralysant pour inventer de nouvelles musiques, de nouveaux artistes, de nouveaux développements au projet. J'ai donc définitivement écarté cette option et cela m'a permis d’installer ce cadre quasiment infini dans lequel tout nouveau prolongement créatif aussi farfelu soit-il est potentiellement imaginable.

INCARNATION DES ARTISTES DE CATALOGUE La solution pour laquelle j'ai opté afin de doter les artistes inventés de Catalogue d’une image corporelle porte un nom : La prestation playback. Celle-ci se réalise dans le cadre d’une captation de style "émission de variété ».
L'artiste filmé va, au cours de cette séance, acquérir une nouvelle couche de réalité décisive, le film va lui conférer une existence sur la durée, le pic d'existence capturé au moment du tournage va venir valider son existence et lui permettre de prendre place dans une petite promesse d'éternité. Il va désormais exister dans une sorte de présent éternel.
Lorsqu'on visionnera le film, peu de choses distingueront l’artiste inventé de Catalogue de l’artiste réel. En effet, un artiste réel existe aux yeux du public à travers l’image qu’il accepte de lui livrer et cette dernière ne résume pas sa personne entière. L’artiste inventé de Catalogue existe à travers ce même prisme.

LE PLAYBACK J'attache de l'importance à la revalorisation du procédé "playback" souvent décrié et pourtant souvent moins opaque que bon nombre de prestations prétendument «live» et donc supposément détentrices d'une authenticité souvent contestable.
S'il est indéniable que la présence physique d'un musicien sur scène et la démonstration in vivo d'un savoir-faire d'exécutant avec la prise de risque qu'elle comporte peuvent susciter l’adhésion du spectateur, à moins d'une improvisation totale ou partielle, il faut savoir relativiser cette "prise de risque" et se poser la question de savoir si celle-ci justifie d'imposer au public un spectacle convenu et rébarbatif. Ayant eu moi-même maintes fois l'occasion de me trouver sur scène, au sein d'un groupe de rock, seul ou avec une compagnie de théâtre, j'ai pu faire l'expérience des avantages et des limites de ces diverses manières de se produire sur scène. Il ne s’agit donc pas d’opposer la prestation « live » et la prestation playback qui sont deux choses différentes, les plus grands groupes de rock, aussi contestataires soient-ils, se sont d’ailleurs souvent produits en playback, proposant souvent un spectacle plus réjouissant (car libéré de contraintes proprement musicales) que lors de leurs concerts. Autre argument en faveur du playback, le plateau sur lequel se produisent les artistes peut être dégagé de tout matériel de sonorisation, câbles, amplis qui ne contribuent pas forcément à la beauté plastique de la séquence et au rêve, c’est pourquoi je tiens à mettre en avant les atouts et les aspects artistiques du playback.

Ce n’est donc pas un hasard si c’est la solution que j'ai choisie pour faire exister sur scène certains des artistes de Catalogue. Pas de fausses notes, pas (trop) de transpiration, la liberté pour l'artiste qui se produit d'évoluer dans un espace dégagé de câbles ou de matériels divers de sonorisation, l’assurance d’un son correct quels que soient les moyens techniques disponibles et la possibilité de se concentrer sur son image sans avoir à apprendre à jouer le morceau qu'il interprète. De plus, les personnes qui, le temps d’un tournage veulent bien prêter leur visage et le reste de leur corps, n’ont pas forcément de compétences d’instrumentistes et même si c’était le cas, le playback leur évite à avoir à apprendre une partition compliquée et ils peuvent se concentrer sur autre chose. Ce choix est donc parfaitement assumé.
De plus, cette stylisation de l'espace et de la performance est propice, pour les spectateurs, à l'évasion et au cheminement de l'imagination. Ce choix est donc totalement assumé.

Je dois avouer, en plus de tout cela, que certains goûts personnels qui remontent à l'enfance me portent à préférer parfois la vision enjolivée proposée par le cinéma ou la télévision à certains spectacles ou concerts de musique amplifiée dans lesquels les conventions rabâchées, l'ambiguïté cultivée d'un soi-disant esprit rebelle totalement éventé, d’une pseudo "coolitude" de façade ou d’une émotion jouée ou feinte, d’une soi-disant communion chaque soir renouvelée qui ne font bien souvent que masquer un répertoire indigent ou des intentions confuses.

L'objectif premier est donc, en les filmant, d'immortaliser les artistes qui vont se produire lors de cette séance mais aussi, de mettre en lumière et de révéler les musiques qu'ils interprètent. Le spectateur devra être charmé et surpris par le spectacle qui lui est proposé. On n'hésitera pas pour cela à faire jouer tous les ressorts à notre disposition, mise en scène, costumes, accessoires, instruments inventés, chorégraphies, le tout sérieusement mais pas trop. On veillera à montrer l'artiste à son avantage et il devra sortir grandi de sa prestation.

Pour finir, je suis sensible au rapprochement que l’on peut faire entre l’interprétation de musique en playback et la danse.

LE TOURNAGE Le tournage au cours duquel les artistes vont « s’incarner » se déroule en public. Les personnes présentes assistent donc à un moment unique, celui d'une quasi naissance.
La prestation de chacune des personnes qui intervient sur scène est préparée à l'avance. Les consignes sont simples et se calent sur le canevas de la musique, chacun sait ce qu'il doit faire, il n'a donc pas de questions superflues à se poser, ni de performance impossible à accomplir, chacun peut ainsi se concentrer sur l'essentiel : La synchronisation.

LA SYNCHRONISATION Dans la vie, le son et les images sont synchronisés, le moindre léger décalage porterait avec lui le signal d’une terrible menace. On peut donc avancer que la synchronisation son / image constitue un signal fort qui nous indique que l’on est bien dans la réalité.
La synchronisation est la clé de voute du playback. Ni trop tôt, ni trop tard, le parfait calage du son et de l'image fait naître l'illusion et la magie.
Mon souhait est qu’au final le résultat de ces séances de tournage se situe quelque part entre musique, danse, émission de variété, qu’il soit un assemblage unique fait de choix arbitraires qui saura avant tout distraire, séduire et questionner.

LE PROTOCOLE DE TOURNAGE Les prestations se déroulent selon un protocole inspiré de certaines émissions de variété des années 70/80 telles que l’émission anglaise Top of the Pops.
Une partie des spectateurs est disséminée dans la salle, une autre regroupée devant la scène afin que leurs silhouettes en amorce suggèrent la présence d'un nombreux public. Celui-ci manifeste son enthousiasme mais avec modération car chacun sait qu'il participe à un tournage qui l’ oblige à rester plusieurs heures debout, nous ne cherchons ni à masquer la mise en scène du dispositif ni à singer un enthousiasme délirant.
Les artistes qui vont effectuer leur performance sont en place sur le plateau faiblement éclairé.
Le "maitre de cérémonie/présentateur" se trouve quelque part dans la salle sous l'oeil d'une caméra, il est entouré de quelques personnes du public.
Il annonce (sans hésiter à se référer à sa fiche) par un petit laïus de quelques lignes, les artistes à venir .
La musique démarre, chevauchant savamment les derniers mots du présentateur, afin de donner une impression de dynamisme, en même temps que le plein feu est mis sur le plateau et que le point se fait sur la scène.
La prestation a lieu et se termine par les applaudissement du public. On ajoutera à ces applaudissements d'autres pré-enregistrés en post-production.
Ce processus se répète pour tous les numéros suivants.
Chaque chanson fait l'objet de 3 prises. Ce nombre de prises multiplié par le nombre de cadreur donne en principe le matériel suffisant pour aborder le montage.

Le public présent lors du tournage découvre, lors de la première prise, la prestation de l'artiste. Il peut, lors de la seconde, s'amuser à déceler les différences et/ou à guetter les imperfections et lors de la 3ème il commence à ressentir une légère nostalgie pour cette prestation et cette musique avec lesquelles il commençait à se familiariser et qui malheureusement vont s’arrêter dans quelques secondes.

LE DÉCOR « PLATEAU DE TÉLÉVISION » Ce décor évoquera certains plateaux de télévision tels que ceux de l'émission Top of the Pops dans la période 70's 80's où l'on constate que ce qui prime avant tout est le rendu à la télévision. C’est pourquoi certains éléments incontournables sont toujours présents :
- Le décor, relativement modeste dans ses dimensions, comporte presque toujours des systèmes d'estrades, de niveaux qui facilitent la prise de vue des artistes en optimisant leur répartition dans le cadre.
- Tout ce qui peut apporter de la vie et de l'animation dans l'image est le bienvenu, ainsi, les ampoules clignotantes, les fonds graphiques et colorés ou réfléchissants ainsi que les suspensions (type mobile) font partie du dispositif.
- La lumière générale est plutôt vive (afin d'optimiser la prise de vue).

Ces règles conçues pour limiter les contraintes techniques installent une esthétique à l'opposé de celle de la semi-pénombre ou des light-shows apocalyptiques des concerts de rock et qui me plaît pour immortaliser les artistes de Catalogue. De plus, la mise en oeuvre d’un dispositif comme celui-ci ne demande pas des moyens impossibles à réunir.

Et puis, ce décor qui nous place sans ambiguïté dans l’univers du spectacle est un écrin dans lequel les artistes présentés peuvent se fondre ou bien détonner, c’est un outil supplémentaire qui contribue à cerner les contours des musiciens qui s’y produisent.

LES INSTRUMENTS INVENTÉS Dans la vie normale, si des musiciens se produisent en public, on les verra jouer sur leurs instruments et ces instruments seront aussi ceux que nous entendons. Dans la « dimension » Catalogue, les images arrivant après que les musiques aient été enregistrées, les choses se passent différemment. Par exemple, si un son, présent dans un morceau de musique du répertoire de Catalogue qui doit être mis en image, a pour des raisons musicales et esthétiques été « travaillé » de telle manière qu’il ne ressemble plus à aucun instrument identifiable, il faudra alors inventer l’instrument qui visuellement lui correspondra et qui, autant que possible, le mettra en valeur. C’est ainsi qu’un petit parc d’instruments inventés s’est déjà constitué au fil des différents tournages.

MAIS AU FAIT ! Si Catalogue ne s’inscrit pas dans un processus commercial, comment fait-on pour entendre les productions musicales du label ?
On peut les entendre librement sur le site officiel de Catalogue, lors de manifestations publiques, telles que expositions ou performances.
Certaines musiques issues du répertoire fourni du label font parfois leur chemin dans la réalité et se retrouvent associés à des images (cinéma, télévision, publicité), on peut alors les croiser par hasard.

DJ MUET, AMBASSADEUR DU LABEL CATALOGUE Le « grand tableau au cadre évolutif » évoqué au début de ce texte qu’est le label inventé Catalogue, existe et peut être consulté via le site internet officiel www.etiennecharry/catalogue/ , on peut y découvrir des musiques, des films, des photos, des images fixes.
Catalogue existe aussi au travers d’expositions, de performances ou de tournages ouverts au public.

Un projet comme Catalogue à vocation à être montré à travers le monde et les services d’un ambassadeur sont évidemment les bienvenus. Cet ambassadeur existe, il se nomme DJ MUET.  DJ MUET s’est donné pour mission, à travers des performances mêlant musique, vidéo, actions diverses, interactions avec l’audience, de faire rayonner Catalogue à travers le monde. Nous ne développerons pas ici les raisons qui ont mené cet ambassadeur paradoxal à faire voeu de silence et nous nous concentrerons plutôt sur sa fonction de DJ qu’il met au service des musiques de Catalogue afin de les faire découvrir à tout un chacun au cours de performances musicales singulières et réjouissantes.

Etienne Charry


INTERVIEW D’UN ARTISTE INVENTÉ

Interviewer :  
- Bonjour, qu’est-ce que c’est qu’être un artiste inventé du label Catalogue ?


Artiste inventé :
- Bonjour, un artiste inventé du label Catalogue n’a pas de passé et aucune certitude d’avoir un avenir et peu lui importe. Il existe au présent, à travers des moments de « représentation ». Ces moments de représentation sont les moments qu’un véritable chanteur/artiste musicien livre à son public mais lorsque ce dernier, une fois à l’écart des projecteurs reprend le fil de sa vie privée, l’artiste inventé cesse d’exister. Tous deux (l’artiste inventé comme l’artiste réel) livrent finalement au « public » une même partie d’eux même, il est alors intéressant de faire le constat que peu de choses les distinguent.

La partie publique que livrent les artistes réels est une forme d’invention, un pas de côté par rapport à la réalité, ils ne sont pas tout à fait eux-mêmes, tels que dans l’intimité. Les artistes inventés de Catalogue, eux existent en totalité dans le cadre public, ils se résument en tant qu’oeuvres d’art, n’ayant de comptes à rendre à personne, leur existence artistique n’étant bridée par aucune limite liée à une vie privée dont ils ne sont pas dotés. Ils sont comme des représentations / extrapolations issues des innombrables modèles de musiciens, groupes de musique vus, aperçus, entendus, écoutés, croisés par leur créateur. Ils sont des tâches de couleurs, des listes de mots, des compositions dans diverses dimensions.  



Catalogue tient à remercier pour leur très précieuse contribution au projet :

Frank Lamy, Ingrid Jurzac, Aurélia Petit, Denis Walgenvitz, Nicolas Dufournet, Frédérique Charry, Alma Charry, Cloé Lastère, Frank Lamy, Arsène Charry, Frank Barrault, Julien Blanpied, Loup Rivière, Romain Maron, Lesly Cotard, Yohann Aziza, Sébastien Olland, Sara Olciregui, Géronimo, Alexandre Rondeau, Fabrice Robert, Nicolas Dizin, Thierry Fereira, Julien Blanpied, Agnès B, Guillaume de Bary, Emma Charrin, Éloïse Dogustan, Juliet Doucet, Grégoire Dufournet, Nicolas Dufournet, Lazare Bogossian, Charles Petit, Pierre Pouget, Thomas Friedlander, Michel Gondry, François Nemeta, Charles Guérand, Camille Radix, Sébastien Ruiz, Jean-François Sanz, Marc Upson, Calypso Valois, Grégory Lefebvre, Eva Yung, Thomas Laraby, Vincent Moroy, Nicolas Guiot, Victor Seguin, Jonathan Ricquebe, Christophe Thiry, Riad Hadji, Virginie Petit, Laurent Huni, Étienne Labroue, Stéphane Chivot, Josephine Bisson, Joseph Jofroykin, Anissa Altmayer, Nicolas et Benoit Hérisson. Thierry Weyd,  Didier Thirard, Mickaël Dien, Sylvie Alliot, Eddy Manerlax, Laura Perrin, Izzy Pouet, Nina Couppey, Aurore Gardillon, Kevin Harel, Paolo Manservisi, Matteo Piquenot , Aurora Vinci, Guillaume Vannier, Yulen Iriate, Zélie Fallet, Amélie Bisson, Stéphane Chivot, Maria Giovanni, Florian Guillaume, Marie Dieng, Bertille Raou-Bouvier, Nicolas Germain, Thierry Weyd , Louis Niermans, Énora Bource, Paul Le Petit, Virginie Clément, Hélène Bougy , Claire Alexis, Timothée Fallet, Marion Écolivet, Raphaël, Romain Ripoll, Émile Orange, Cassandre Barbotin , Annabelle Cocollos, Jeanne Carré, Mato, Félix Cauchy, Arnaud Stinés et l’ESAM de Caen, Sylvie Froux et Anne Cartel au FRAC Caen. Le Mac Val, Agnès B, Piacé le Radieux