36 ERREURS (1999)

Peux-tu nous décrire un de tes concerts ?

Voilà deux ans, quand il s'est agi pour moi d'aller porter dans le vaste monde, la
bonne parole contenue dans "36 erreurs" mon album d'alors, j'ai eu à choisir entre me produire seulement accompagné de ma guitare ou bien de musiciens convoqués pour l'occasion.
Je ne me sentais pas investi du charisme suffisant ni des qualités de show man requises pour tenir en haleine un public par ma seule présence, si subjuguante soit- elle.

Sortant d'une expérience de groupe des plus classiques, de sa création jusqu'au Split final, je ne tenais pas vraiment à renouveler l'expérience, de plus, l'image du groupe de rock sur scène avec le cortège de clichés qui l'accompagnent ne m'emballait pas non-plus.

J'ai donc opté pour une troisième solution qui alliait le fait de devoir assumer seul ce que le public voyait et entendait tout en occupant la scène de présences insolites et utilitaires.
J'avais noté que l'emploi de machines sur scène amenait souvent à un spectacle désolant ou le spectateur devait se contenter de voir des musiciens bouger imperceptiblement les doigts sans avoir la moindre information quant à la nature enregistrée ou live de ce qu'il entendait, ayant conscience de l'indigence de ces images, certains agrémentaient leurs prestations de cracheurs de feu, mimes et autres personnages du carnaval de Venise qui n'élevaient pas non plus vraiment l'ensemble.

L'objet fondateur de mon dispositif fut donc un bouchon de bouteille de liqueur doté d'un faciès à la fois jovial et légèrement inquiètant auquel je fabriquai un corps et une batterie à son échelle (environ 25 cm assis). Je filmai ce batteur en temps réel en lui faisant jouer (grâce à des baguettes dissimulées dans ses avant-bras) les parties rythmiques des morceaux que je comptais interpréter lors de mes concerts. Ce batteur projeté en vidéo serait donc la colonne vertébrale du show.

Second membre du dispositif, une guitare basse sur pied dotée d'un bras réagissant au signal que lui envoie le second canal de la vidéo dont le premier diffuse le son des parties rythmiques. Voilà donc déjà deux musiciens synchronisés sans avoir recours à un ordinateur.

Une autre guitare dotée elle aussi d'un bras mais cette fois commandée par des samples que je déclenche d'un boîtier pourvu de 4 gros champignons placés devant moi (pour tous les sons courts et répétitifs que je ne joue pas moi-même) et enfin une tête articulée sur pied elle aussi à hauteur d'homme réagissant aux samples de voix que je déclenche également de mon boîtier le plus souvent entre les morceaux pour des interventions décalées et autres mercis de rigueur entre les chansons.

Ce système permettait au public de visualiser clairement toutes les interventions sonores live ou enregistrée dans la plus grande transparence.
Loin d'être parfaitement infaillible (il faut préciser qu'il a été conçu en U.B.T (ultra- basse-technologie), il ne m'a pas offert un ersatz de groupe robotique et soumis, mais plutôt une créature dépendante et imprévisible qui m'a plus d'une fois placé dans des situations fort périlleuses.

En effet, quand, à Austin, devant un parterre de Texans échauffés la barrette de mémoire de mon sampler (celui-ci ayant probablement été bousculé dans la soute à bagages) était sortie à mon insu de son logement paralysant ainsi une bonne partie du système, ou encore quant à Choisy le Roy les éclairages parasitaient les automates, ou qu'à Bruxelles une pile placée à l'envers faisait sauter le moteur de la guitare, qu'à Avignon, l'un des 50 câbles nécessaires au bon fonctionnement de l'ensemble s'était pris dans les pieds d'un technicien, ou la fois ou un câble midi défectueux.... bref, dans ces nombreux moments, je sais que je ne dois qu'à moi- même et à la bienveillance du public de ne pas m'être fait lyncher. Et cela à posteriori est assez satisfaisant.